5 cité de la Roquette

2016 / France / S8 / 13 minutes
Camera: Baba Hillman, Magali Trautmann
Music: György Ligeti, sonata for solo cello. Aurélienne Brauner, cello.

2016 / France / S8 / 13 minutes
Caméra: Baba Hillman, Magali Trautmann
Music: György Ligeti, sonate pour violoncelle seul. Aurélienne Brauner, violoncelle.

5 cité de la Roquette, is one of a series of three films connected to return, memory, place and disappearance; to a ritual of walking, listening, returning, after many years, to the homes of three teachers and friends in Paris who were beloved to me. When I returned to 5 cité de la roquette, I found a sign on the gate announcing the reconstruction of the building. In the days that followed, I came back in early morning or evening, when crews were not working, to film the stairwells, the stones, the doors, to stand on the landings, to listen to the sounds of the empty building, to watch the light at the windows, to hear again the songs of this place.

Un peintre, s’exprimant sur son propre travail, pourrait dire « je ne peins pas ce que je vois, puisque c’est le fait de peindre qui me permet de voir. Je peins plutôt l’acte de voir ». Il s’agit bien d’une réalité, mais d’une réalité subjective qui convoque et prend à témoin les objets du monde. Ainsi, chez Dostoïevsky, les faits les plus ordinaires, les objets les plus quotidiens nous sont donnés comme à partir de la rêverie de tel ou tel personnage : le réel est un songe qui se mérite. Le court-métrage de Baba Hillman en est une très pure illustration…

Le film déroule en effet un parcours hanté par des figures absentes ou distantes comme dans certaines toiles d’Edouard Hopper. Traversée d’une ville ; traversée d’un jour ; mais quête ou enquête dont l’objet resterait de part en part énigmatique. Quelle est cette figure d’abord immobile au milieu de la foule, puis, d’un pas décidé, se hâtant vers quelque destination d’elle seule connue ? Que recherche-t-elle ? Nous ne le saurons pas car ce n’est pas l’objet du film ; mais les « choses » parlent, du coup, avec une intensité accrue comme autant d’indices ou de signes vivants : fleuve, rue, escalier, porte, dans le rythme des lumières changeantes du jour qui passe ; et la lumière paraît être l’acteur principal du film, lumière d’un soleil matinal sur les quais, reflet du jour baissant dans les carreaux de l’atelier ou celui du couchant sur la ville jusqu’aux lumières mouvantes de la nuit…

Une inconnue a traversé le jour, une porte a été poussée, une autre est restée close, des mains se tournent vers le ciel d’une ville anonyme. Chaque séquence de ce film paraît contenir une charge de beauté et de mystère comme un rêve éveillé que traversent toutes les lumières de l’aube à la nuit.

Dans ce film, les sensations, les objets ne servent pas de décor ou d’arrière-plan à un récit. C’est ce dernier, fragmentaire, dont l’inconnue est la figure centrale quoique distante qui se révèle être le support d’une autre intrigue : celle, sensible, dramatique, du réel lui-même.
Gilles du Bouchet